Elle est la Belle de son Seigneur, pendant qu’il baise les longs cils recourbés, et dans ce geste quasi impossible, il y a le moins pour dire le plus. Less is more. Comme si c’était le plus petit geste qui était le mieux à même d’accueillir l’infini de son amour. C’est le premier soir parce que l’infini de leur amour fait tout voir pour la première fois. Merveilleux hypallage, il la serre de tout son amour mortel. Mais sont-ils encore mortels, d’abriter un amour à ce point immortel ? Vivre jusqu’au bout sa passion, toucher la pointe de son amour, c’est en vouloir des quantités, toujours plus en tous cas : parce que l’amour devient palpable, il peut donc se compter. La mort les attend au loin, là-bas, elle résonnera comme des retrouvailles. Elle l’aime de toutes ses forces mortelles, elle la fiévreuse immortelle, qui a goûté au pharmakon, c’est-à-dire au poison médicament, au salut qui est aussi la menace. Au moment où l’amour les sauve, ils vivent cependant leur plus grand danger, car « là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin). Le poison est un médicament, le médicament un poison, pendant que la salive moussant au bord des lèvres cumule l’image de l’érotisme et celle de la mort. La salive coule maintenant sur la robe des attentes, et c’est tellement beau, cette concrétude des désirs, cette manière de passer commande. L’anaphore de la valse est une valse à trois temps, où le lecteur valse en même temps que les amants. Ils ignorent le monde, évidemment, et s’admirent dans les hautes glaces car c’est tout simplement trop beau, trop beau de s’aimer ainsi, lui, Aimé, elle, belle de son seigneur. C’est l’amour qui leur donne un nom, c’est l’amour qui leur octroie un prénom, et qui le réinvente, à perpétuité. Les corps ont implosé, explosé dans la fusion amoureuse, elle ne sait plus où sont ses pieds. La culture a épousé la nature, et c’est l’église montagneuse qui les abrite maintenant. Il la protège, elle le protège. Le corps s’est morcelé d’avoir accueilli l’unité, et ses parties sont comme des miettes. Elle a de la peine à respirer, et à nouveau , « l’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mort, car la mort et l’amour ne sont point sans orage ». Voici venir son divin roi, se dit la belle, belle de son seigneur.
Je vous souhaite une semaine où vous liriez ou reliriez Belle du Seigneur, ou si vous préférez, une semaine où vous seriez vous-mêle Aimé, le divin roi, ou bien la belle de son seigneur, et ses longs cils recourbés.