Bonjour !
Et comment allez-vous ? « Moi, je veux tout, tout de suite -et que ce soit entier, ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd’hui, et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite -ou mourir. » Vous aussi, vous faites votre Antigone ? Je vous réponds, « hâte-toi lentement ». Es-tu l’homme ou la femme des chemins fièrement tracés par la volonté, et t’arrive-t-il de gravir l’Himalaya en tongs, au risque de t’épuiser, seulement parce que ton désir a le pouvoir de t’emporter dans ses spirales sans que tu puisse lutter ? Provoques-tu le destin, ou laisse-le tu couler, parce que tout coule dans ce fleuve du devenir où l’on ne se baigne jamais deux fois, et parce qu’un « flux héraclitéen » t’emporte, toi comme tous, de toute façon ? En d’autres termes, « le mieux est-il l’ennemi du bien » ? Vouloir provoquer son destin, est-ce réellement le rencontrer ? Less n’est-il pas parfois more, et more, less ? Ton effort peut créer ton obstacle, souviens-toi. Ton envie peut éloigner l’objet de ta quête, ton aspiration peut créer un abîme avec l’objet même de ton aspiration. René Girard nous fournissait un précieux conseil lorsqu’il écrivait que le secret de la réussite en affaires comme en amour, c’était de « dissimuler le désir qu’on éprouve, tout en simulant celui qu’on n’éprouve pas ». Alors suffit-il de vouloir ? Peut-être parfois, parfois peut-être pas. Mais le sage n’en a-t-il pas fini avec le monde de la volonté ? N’habite-t-il pas seulement le monde de la représentation ? Il a aussi déserté le monde du jugement, je crois. A ce titre, il paraîtrait que les oracles ne peuvent plus lire leur futur, car il n’en ont littéralement pas. « Ils se tiennent tout debout sur le seuil de l’instant », « sans vertige », « sans peur », nous souffle Nietzsche. Pour eux, il n’y a qu’un éternel présent, ils sont « l’éternel dans l’instant », écrira Aristote. Ils sont devenus opaques aux boules de cristal, aussi translucides soient-elles. Ils ne cherchent plus la connaissance, ils l’incarnent. Peut-être que les crânes eux-même de cristal, disséminés aux coins du monde, ont pu se réunir en leur sein, en leur être, eux les gourous qui sont tout, parce qu’ils échappent non seulement au temps, mais aussi à l’espace. La légende raconte que ces crânes, venus de l’Atlantide, auraient le pouvoir, lorsqu’ils seraient à nouveau réunis, de réactiver la connaissance dans l’ADN de celui qui serait prêt pour la Vérité. Mais le temps n’est pas encore venu. Il va falloir se hâter lentement, nous pour qui demain existe encore, un « temps » soit peu.
Je veux maintenant « vous parler d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». C’est le temps où Félix Éboué rejoignait les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle, pour soutenir les alliés. Celui qui exerça la fonction de gouverneur était né à Cayenne, en Guyane, en Amérique Latine. Il fut littéralement traîné dans la boue, la boue des pensées des fascistes qui refusaient qu’il exerce une aussi haute fonction. Après sa mort en 1948, il fut transféré au Panthéon. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans feraient bien de connaître…
Je vous souhaite donc une semaine regorgeant de connaissance, et que vous réussissiez ce prodige de vous hâter lentement dans votre quête de vérité.