28 Nov 2022 | Newsletter

Bonjour à tous !

Cette semaine, place au Manuel d’Épictète, et à la débordante sagesse de ce texte. Épictète nous demande de faire la différence entre ce qui dépend de nous, et ce qui n’en dépend pas. La mort, la maladie, ne dépendent pas de nous d’après lui. Peut-être que l’heure de notre mort est écrite, quelque part dans les cieux, et peut-être que nos maladies sont gravées dans les doubles hélices de l’acide désoxyribonucléique. Ce qui dépend de nous alors, ce n’est pas la réalité, mais les jugements que l’on peut se faire sur elle. La mort en soi n’a ainsi rien d’effrayant. Ce qui est effrayant, c’est l’opinion selon laquelle la mort est effrayante. La seule chose dont nous devons avoir peur, répétait Winston Churchill, c’est la peur elle-même. Il faut aussi écouter Montaigne, lorsqu’il nous explique que le problème de la peur, c’est qu’elle nous rapproche de l’objet de nos craintes. Le mari jaloux jusqu’à en devenir insupportable augmente-t-il ses chances d’être trompé, créant ainsi de véritables raisons d’être jaloux ? Comme jaloux, nous souffrons quatre fois, nous dira Barthes : parce que nous sommes jaloux, parce que nous nous reprochons de l’être, parce que nous avons peur que notre jalousie ne blesse l’autre, et parce que nous sommes assujettis à une banalité. Et c’est bien de la fin d’un assujettissement qu’il s’agit : nous souhaitons par dessus tout être libres, nous dira Épictète. Nous ne souhaitons pas être consul, général ou magistrat, mais libres !  Et tel un mouton, qui n’aura pas besoin de prouver qu’il broute son herbe en la mettant sous le nez de son maître, nous n’aurons pas besoin de brandir et de clamer notre sagesse, il nous suffira de montrer que nous l’avons digérée. En nous comportant seul comme si on était entouré d’autres personnes, par exemple, et en étant fiers d’appliquer la connaissance, et de créer des représentations en accord avec la nature. Que la mort, l’exil, soient devant nos yeux chaque jour, mais surtout la mort. Ainsi nous n’accomplirons rien de mauvais. Nous ne blâmerons pas les autres de nos échecs, ce qui est la marque de celui qui n’a pas encore travaillé sur lui-même. Celui qui a commencé ce travail se blâme lui-même, et celui qui l’a achevé ne blâme ni lui-même ni les autres. Alors, puisque ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les représentations des choses, tâchons de soigner nos représentations, la seule chose qui soit véritablement en notre pouvoir, et retenons ceci : que « ce n’est pas par la satisfaction du désir que s’obtient la liberté, mais par sa destruction ». Nous trouverons dès lors tout le loisir de vaquer à la recherche de la vérité, comme Descartes, en nous délectant quand même d’une part de flan préparé avec une petite portion d’une gousse de vanille de Madagascar. Saviez-vous que 85% de la vanille consommée dans le monde provient de cette île ? Quant à Descartes, tout le monde ignore en général que son anagramme était « tendre caresse ». Anagramme étonnante pour ce personnage que l’on associe plutôt à la solitude, qui nous confie pourtant qu’il aimait les jeunes filles un peu louches (il faut comprendre ici qui louchaient). En France, d’après un récent sondage, 35% de personnes vivent seules, 26% forment des familles sans enfants, 26% des familles avec enfants. Il reste 8% de familles mono-parentales, et 5% de familles mono-parentales vivant avec une personne « extérieure ». A quelle catégorie Descartes pouvait-il appartenir, lui qui vivait à une époque où les sondages ne devaient pas être si fréquents ?

La devinette de la semaine consiste à répondre à la question de savoir qui, entre Veil et Weil, était la femme philosophe, et qui la femme politique. J’ai envie cette semaine de vous parler de la femme politique. Une femme qui a perdu une partie de sa famille dans les camps de concentration, et qui dit avoir été sauvée de la mort parce que celle qui dirigeait le camp l’avait trouvée trop belle pour mourir : sa vie, elle la devait à ça. Elle joua un grand rôle pour les femmes, une fois la France libérée, et grâce à elle, l’avortement fut légalisé, après un discours qui marqua les esprits, prononcé par une femme forte, par une femme de caractère, par une femme exemplaire. Pendant l’occupation, elle voulut cependant courir ce qui représentait un risque, car elle ne pouvait pas utiliser les faux papiers que la famille s’était procuré : passer l’examen du baccalauréat. La connaissance semblait ne pas avoir de prix, fut-ce celui de la vie. Elle devint ministre de la santé, elle qui s’était toujours juré de ne pas accomplir le destin de sa mère, avec laquelle elle était pourtant si liée : celui de rester une femme au foyer. Cela ne l’empêcha pas de donner naissance à trois fils, que l’on peut entendre parler de leur mère avec une grande tendresse aujourd’hui.

Je vous souhaite une semaine où vous pourriez être fiers de vos représentations ajustées à la nature des choses, dans lesquelles vous pourriez puiser l’ataraxie, l’absence de troubles en ces temps troubles, car ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses, mais l’opinion qu’ils s’en font.