Newsletter du 21 janvier 2023

24 Jan 2023 | Newsletter

L’instabilité, la source même de la structure ?

Saviez-vous que si vous étiez un atome de fluor, vous n’auriez qu’un seul objectif : ressembler à l’argon ? En effet, l’argon est stable, c’est un gaz noble, ce qui n’est pas le cas du fluor. C’est la raison pour laquelle on ne le trouve pas à l’état d’atome isolé. Sa dernière couche électronique, sa couche de valence, n’étant pas saturée, il est obligé de s’associer pour former des molécules, ou bien il doit devenir un ion. Alors vous le voyez bien, que l’instabilité est la source même de la structure, qu’il faut « porter en soi un chaos pour accoucher d’un étoile qui danse », et que « l’ordre ne cesse de menacer le monde ».  L’ordre qui ne cesse de menacer le monde, à l’époque de Molière, c’est en particulier la Compagnie du Saint Sacrement de l’Autel, dont les membres se voulaient rien de moins que des directeurs de conscience. Il faut rappeler qu’à l’époque, l’Église accusait le théâtre de détourner les âmes par des divertissements mondains. Ce fut très audacieux de la part de Molière que d’aborder les questions religieuses dans ses pièces, puisque le Parlement de Paris avait interdit la représentation des drames religieux en 1548. Tartuffe fut longuement remanié : trois versions apparurent, jusqu’à celle que l’on connaît aujourd’hui. Et Tartuffe lui aussi souhaite être ce directeur de conscience de la famille d’Orgon, ce qui permit certainement à Molière de critiquer subtilement l’ordre menaçant qu’était la Compagnie du Saint Sacrement. Ah, les méandres du cerveau humain, pathologiquement capable de vouloir s’emparer d’autres psychés, et de mettre le grappin sur d’autres cerveaux humains. Le temps est venu de se poser la question qu’aborde François Jacob dans La souris, la mouche et l’homme. « Le cerveau humain pourrait-il être incapable de comprendre le cerveau humain ? » De la même manière, la conscience pourrait ne pas parvenir à comprendre ce phénomène qu’est la conscience, surtout quand elle est prise dans ce que Julien Gracq appelle magistralement le cyclone des pensées noires. Mais le pire, n’est-ce pas la fadeur, comme l’écrivait Charles Péguy : il y a pire qu’une mauvaise âme, c’est une âme habituée ! « Un caractère bien fade est celui de n’en avoir aucun », peut-on lire dans Les Caractères de La Bruyère.

Je vous souhaite une semaine de caractère, où vous n’essayeriez pas de ressembler à qui que ce soit d’autre que vous-même, où un merveilleux chaos accoucherait d’une étoile qui danse, et où vous accepteriez tout simplement que le cerveau puisse ne pas comprendre le cerveau !