Les chemins de la philosophie – Adèle Van Reeth
Imaginez que l’on puisse ouvrir le crâne d’un philosophe au moment où il est en train de penser, demande Adèle van Reeth. Qu’est-ce qui distingue le cerveau des philosophes ? Quels rapports la philosophie entretient-elle avec la science ?
Comment le cerveau aborde-t-il une question scientifique ? Comment notre cerveau émotionnel peut-il se trouver mobilisé ? Quel rapport la rationalité entretient-elle avec les émotions ?
Qu’est-ce que le logos, le thumos, l’épithumia ? Que représente le cerveau du cœur ? Ou encore la « grande raison du corps » ? Seul le cerveau pense-t-il ? Doit-on plutôt dire : « ça pense en moi » ? Comment penser les rapports entre l’âme et le corps ? A quoi renvoie la glande pinéale dont nous a parlé Descartes ?
Toute connaissance produite par les sciences mérite ainsi certainement de nourrir la réflexion philosophique. Le découpage du cerveau d’Einstein en 240 lamelles, malgré l’opposition qu’il avait exprimée de son vivant, a peut-être permis d’en savoir plus sur les rapports entre l’activité cérébrale et la pensée. Mais un cerveau n’est pas qu’une machine à produire de nombreuses idées. D’ailleurs, Einstein pensait précisément qu’une idée était quelque chose de très rare… Faire de la science, c’est peut-être penser contre son cerveau, c’est-à-dire « malgré l’évidence » ? Nous pensons évidemment avec notre cerveau, mais aussi contre certaines idées que notre cerveau nous présente comme évidentes. « Penser contre soi-même » a d’ailleurs pour anagramme « comme serpenter en soi », comme si cette idée d’une contre-pensée allait jusqu’à s’inscrire, en majuscules comiques pour reprendre l’expression de Nietzsche, jusque dans l’adn de notre pensée elle-même. La pensée est un dialogue, et penser, c’est certainement souvent dire non, nous rappelle le philosophe Alain. Une loi peut bel et bien contredire l’observation, comme ce fut le cas avec la loi de la chute des corps énoncée par Galilée.
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ? Le mot intelligence a-t-il le même sens en anglais et en français ?
Peut-on s’élever grâce à des obstacles ? Doit-on reconnaître que plus on avance et plus l’évidence s’efface ? Les émotions peuvent-elles empêcher de penser, ou au contraire peuvent-elles faciliter l’apprentissage ? Quels sont les rapports entre la conscience et l’inconscient ? Le cerveau a-t-il le monopole de la pensée ?
Nous en sommes certainement au balbutiement des connaissances sur notre cerveau. Quelle différence existe-t-il entre cerveau et système nerveux central ? Que sait-on du cerveau des insectes, des poulpes ? Comment définir la mémoire ? Quel lien entre le cerveau et l’anticipation ?
Darwin parlait de la racine-cerveau. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que l’intelligence végétale ? Peut-on parler de mémoire végétale ? Comment les végétaux perçoivent-ils leur environnement ? Qu’est-ce que l’épistêmê ? La pensée est-elle un dialogue ? Peut-on dire, comme Platon, qu’elle est « ce dialogue intérieur et muet de l’âme avec elle-même » ? « Penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien si nous ne pensions pas, pour ainsi dire, en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ? », se questionnait le philosophe Emmanuel Kant dans « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée »
Un cerveau ou des cerveaux ?
Que signifie connaître ? Quels sont les rapports entre le sujet et l’objet ? Le cerveau et le réel ? Existe-il un réel en dehors de celui perçu par notre cerveau ? Une découverte est peut-être l’équivalent d’une introspection. Peut-être que le réel tel qu’il nous apparaît nous trompe. Plus précisément, le réel tel qu’il se laisse percevoir nous tromperait sur les lois qui le régissent ? Le réel a-t-il un double ? Paul Claudel disait que les choses qui existent sont importantes.
Quelles sont les implications politiques, éthiques, des neurosciences ? L’intelligence artificielle peut-elle être assimilée à la prise de décision humaine ? Quelle est la puissance des nouvelles technologies ? Et quelle puissance dans ce qui est vulnérable ? La dépression peut-elle servir à quelque chose ? Le vulnérable peut-il être inventif ? Quel sens y a-t-il à aborder un cancer du point de vue de la tumeur ? La littérature fait-elle de la science sans le savoir ? (On pense ici à Flaubert, Zola, Proust). Y a-t-il une chose en soi, c’est-à-dire un réel indépendant de ma perception ? Peut-on dire que l’imagination donne accès au réel ? La philosophie est-elle la science de la cité ?
Que signifie être humble lorsqu’on est un scientifique ? Quel type d’activité cérébrale représente la conscience, l’éveil ? Quelles sont les briques de ce qui constitue la pensée ?
Qu’est-ce que la plasticité cérébrale ? Peut-on dire que le fonctionnement modifie la structure ? Peut-on parler de sculpture de soi ? Quelle est la place du philosophe dans la vie politique ? Thalès qui tombe dans un puits désigne-t-il la vocation philosophique manquée, l’aveu d’une absence, ou au contraire son essence, théorétique ?